À la rentrée 2012, contents de la réussite de « Solange lit tous tes tweets« , les Nouveaux Médias de Radio France et moi discutons des possibles suites.
Christilla Huillard-Kann et Joël Ronez évoquent l’idée d’un projet autour de la sexualité. Je leur propose alors une TELP (d’après la « Tentative d’Epuisement d’un Lieu Parisien » de Georges Perec, que je transforme en « Tentative d’Epuisement de La Pornographie »).
L’idée est simple : filmer un visage en train de regarder une vidéo au hasard sur YouPorn et tenter, en une prise, d’énumérer spontanément ce qui s’y passe.
L’occasion de remettre à profit un procédé descriptif déjà utilisé dans mes installations vidéo d’avant « Solange te parle », comme ici dans « Réussites/Patiences » (dont j’espère reparler un jour).
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La proposition amuse Christilla et Joël, mais plusieurs contraintes nous font remettre en question le concept sûrement trop « conceptuel » pour le coup, limité, éventuellement répétitif, trop cru, l’usage de la vidéo n’étant pas idéal pour un partenariat avec une radio, etc.
Néanmoins, j’ai réutilisé le principe en projection d’un happening organisé par une galerie quelques mois plus tard. Parce que je continue de croire au potentiel du dispositif.
Puis, dans la continuité d’un certain recyclage de la parole publique tel qu’élaboré dans « Solange lit tous tes tweets », nous commençons à étudier les sources de discours quotidien à notre portée. Qui parle de quoi et où ? Les transports en communs s’imposent comme terrain d’écoute privilégié. Nous choisissons le bus par souci de ne pas trop s’ancrer dans le parisianisme souterrain du métro.
S’ensuivent vingt épisodes diffusés sur le net de France Inter durant le mois de février 2013.
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Déterminée à ce que ce nouveau programme passe à l’antenne, j’envoie un tweet à Pascale Clark qui me rappelle et propose gentiment de me faire une petite place le mardi matin dans « Comme on nous parle ». Plus tard, elle m’incitera à quitter le bus pour d’autres lieux publics…
La sortie du théâtre…
Le rayon Ésotérisme d’une librairie…
Une boutique de jeux vidéo…
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« Solange dans le bus » et ses déclinaisons m’auront permis de célébrer les millions d’heures de dialogues ordinaires qui ont cours tous les jours dans ces espaces transitoires du quotidien, entre des gens qui bataillent pour se faire comprendre ou combler l’attente, le vide. En tant qu’auteure, si je peux jamais l’être, c’est cette matière-là qui m’intéresse le plus. Lorsqu’il s’agira de générer de la fiction, bientôt, pour le cinéma, je chercherai à faire jaillir ce type de langage.
Je n’ai pas le fantasme d’écrire pour que mes mots ressortent par la bouche des autres.
Autrement, passer des heures dans les bus et ailleurs à guetter une conversation exploitable est un beau métier très fatigant. J’ai beaucoup pensé aux « Filatures » de Sophie Calle. Elle revenait de sept ans de voyage à l’étranger, se retrouvait à Paris un peu désœuvrée, s’est mise à suivre des gens pour sortir de chez elle, circuler dans la ville sans avoir à décider des directions à prendre. Une manière de retrouver une vie normale en s’étalonnant sur celle des autres.
À suivre…